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Lettre ouverte de Cyrille Guimard
Lettre ouverte de Cyrille Guimard le 03 février 2009
Lettre ouverte de Cyrille Guimard aux éducateurs et entraîneurs Article Vélostory du 02/02

Chers amis entraîneurs,

J’avais envisagé de vous entretenir de l’annonce de ma candidature à la présidence de notre Fédération lors du séminaire de Bourges. Mais, après réflexion, j’ai estimé que choisir un tel contexte aurait pu être mal perçu. C’est donc par écrit que je vais vous présenter ici ma démarche et mes motivations. Tout d’abord, je tiens à vous rassurer. Je ne suis pas naïf concernant mes chances d’être l’heureux élu ! Vous connaissez, aussi bien que moi, le système électoral en vigueur au sein de la FFC…

La crise traversée par notre cyclisme et le raz le bol qui en découle ont été les éléments déclencheurs de ma démarche. Je ne vais pas lister ici l’ensemble des facteurs responsables de cette lente agonie. Vous les évoquez vous-mêmes tous les jours dans votre activité. Mais, en dépit de son malheur, la FFC a une chance formidable, c’est celle de compter dans son jeu les meilleurs atouts pour se reconstruire. Et c’est bien parce que j’ai conscience du potentiel de ces atouts que ma démarche a un sens.
Nous avons tous – quel que soit notre parcours - la passion pour le sport cycliste (sous toutes ses formes), le respect des coursiers et des bénévoles, ces hommes et femmes de l’ombre mettant les mains dans le cambouis à tous les niveaux. Nous connaissons aussi ces autres hommes : ceux que l’on voit peu ou pas du tout, tellement ils n’ont rien à dire…; et ceux qu’on voit trop, tellement ils veulent être sur les photos. N’est-il pas temps de remettre nos cartes dans le bon ordre ?
Ce que nous voulons tous, ce sont de vrais débats, des orientations concrètes et déterminées, des décisions faisant avancer, progresser, évoluer… Oui, j’ai voulu, par l’effet d’annonce, provoquer le débat, mais pas n’importe quel type de débat. Un débat public ! Il y en assez de ces élections qui s’organisent au fond d’un couloir pour que les mandarins décident qui sera rayé sur la liste ou qui sera coopté. Nos élections, des Comités régionaux à la présidence de la FFC, n’ont qu’une vague relation avec l’idée que nous pouvons nous faire d’une démocratie permettant l’émanation des meilleures compétences aux bons postes. Il est paradoxal de constater que la plupart des grands clubs n’ont pas de représentants au sein de leur Comité. La remarque est également vraie pour les organisateurs des épreuves professionnelles. Le Tour de France mis à part, ce sont des clubs amateurs et des bénévoles qui organisent ces évènements populaires. Mis eux aussi à l’écart, ces bénévoles représentent pourtant un potentiel, une puissance de communication, de promotion et d’émulation, une puissance médiatique et économique y compris pour nos Comités et pour la Fédération.
Savoir gérer notre « entreprise », la Fédération française de cyclisme.

*Le club doit être le socle de notre cyclisme, notre « outil de production ».
*Les éducateurs et les entraîneurs doivent être considérés comme les responsables de l’élaboration et de la qualité de notre « production ».
*Les dirigeants ont la mission de mettre en place les outils chargés de la promotion (communication) et de la vente (marketing) de notre « production » aux clients.

Qui est notre client ? Notre client, c’est le public ! Via la télévision, la radio, les journaux, les magazines, Internet et, bien sûr, en tant que spectateur sur le lieu des compétitions. Sans public, il n’y a pas de sport, pas de spectacle, pas de recettes. Cela veut dire qu’il faut gérer notre grande entreprise, la Fédération française de cyclisme, avec les outils d’aujourd’hui.
Ce n’est pas le cyclisme qui change. Il possède toujours deux pédales, un guidon et une selle. L’ergonomie, la biomécanique et les lois physiologiques sont aussi immuables, mêmes si les connaissances s’affinent. Si notre sport garde ses fondamentaux, il n’en va pas de même pour notre société en éternel mouvement. Cela nous oblige à rester sans cesse à la pointe du progrès, sans quoi nous disparaîtrons. Seul ce qui est sollicité se développe, ce qui ne l’est pas se dégrade. Il faut donc nous remettre en question pour garder une place aux yeux du public.
Si le client est le public, il est nécessaire d’avoir des règles simples pour une lecture facile de la course. Cela passe par une simplification des catégories de courses avec des épreuves de niveau, seul paramètre objectif à partir de 17 ans.


Une crédibilité pour nos entraîneurs et éducateurs
Il est indispensable de redonner aux entraîneurs (BE – Brevet d’Etat) et éducateurs (BF – Brevet fédéral) l’autorité, la crédibilité, la légitimité et le respect qu’ils auraient toujours dû avoir. Sinon à quoi sert-il de faire des formations pour les BF et d’obliger les clubs à avoir des BE ? Pourquoi faire des règlements de club permettant aux coureurs de faire ce qu’ils veulent, et à leur entourage de décider où et quand ils courent ? Voit-on cela dans d’autres disciplines sportives ?
Nous sommes aussi le seul sport de compétition (ayant des risques de chute mortelle) permettant à un individu de faire une demande de licence le lundi, de recevoir sa licence le vendredi et de prendre le départ d’une compétition le samedi ; tout cela sans que l’entraîneur ou le club sache s’il sait faire du vélo.
Tout cela, sans que ses qualités techniques, son niveau de performance ou son matériel aient été évalués… Nos élus, au plus haut niveau de la hiérarchie, ont l’obligation morale de redonner aux techniciens de notre sport leur crédibilité et leur légitimité!
A une époque où chaque carrefour peut être l’objet d’un procès, quelle serait la responsabilité de la Fédération si un gamin se tuait après 5 km de course ? Quelles réponses pourrions-nous donner aux questions s’il était démontré que le gamin n’avait reçu aucun enseignement concernant le pilotage de son vélo et qu’il n’ait subit aucun test de performance et de condition physique ?

En conséquence, il est impératif et urgent de mettre en place un train de réformes dont vous trouverez ci-dessous les grandes lignes.

1-Définir où se situe le curseur entre le sport « loisir » et celui de « compétition ». Le sport de compétition est celui que l’on pratique avec des objectifs de résultats, avec des ambitions de carrière au plus haut niveau. Il y a une démarche d’amélioration du niveau performance, le désir de progresser et d’aller au bout de ses possibilités, l’envie de se réaliser à travers le sport et d’en vivre si possible. Il est essentiel - si le rêve ne se réalise pas - de ne pas avoir de regrets. Si, par manque de qualités physiques ou techniques, on doit renoncer au haut niveau, il faut pouvoir trouver une place dans le cyclisme de loisir permettant aussi la pratique de la compétition.
2-Le sport de compétition, tel qu’il est défini ci-dessus, est par obligation sous le contrôle des entraîneurs.
3-L’activité des coureurs est sous la responsabilité de l’entraîneur, seul habilité à définir la programmation de l’entraînement physique et technique et du programme des compétitions.
4-Cette démarche implique la suppression des catégories d’âges à partir de 17 ans. Sauf pour les championnats et épreuves de références à déterminer (par exemple Paris-Roubaix espoirs ou la Classique des Alpes juniors) en nombre limité et sur sélection nationale, régionale ou entente. L’entraîneur est habilité à savoir dans quelle catégorie de niveau son coureur peut évoluer pour progresser (en football un joueur de Ligue 1 peut jouer en CFA et un joueur de 17 ans peut disputer la Coupe du Monde ; nous avons aussi un champion du monde de judo qui a participé au JO alors qu’il était encore junior).
5-Dans leur fonctionnement actuel, les écoles de cyclisme ont vécu (seulement 20% des enfants continuent la pratique du cyclisme). La garderie et/ou centre aéré ne sont pas la vocation des clubs de sport de compétition. Ce n’est pas notre devoir et cela n’apparaît nul part dans nos statuts. Les écoles de cyclisme ont été créées pour préparer à la compétition.
6-Mettre en place un programme de base des activités cyclistes et physiques des écoles de cyclisme avec BMX, VTT, Cyclo-cross, Piste, PPG (préparation physique générale) avec des tests d’évaluation en course à pied et à vélo quand la maîtrise de l’outil est acquise.
7-Les compétitions sur route sont le dernier stade pour ceux qui optent pour cette discipline. Les compétitions routières ne commencent qu’en cadet, début de la spécialisation.
8-Standardiser des vélos types obligatoires jusqu’en cadet inclus. Les vélos appartenant aux clubs sont mis à la disposition des licenciés en fonction de leur morphologie. Il est essentiel d’être posé correctement dès le plus jeune âge, surtout pendant l’apprentissage et la croissance. Ce que nous voyons dans les écoles de cyclisme est déprimant et ne reflète pas les compétences de nos éducateurs et entraîneurs. Les études ergonomiques et biomécaniques n’ont pas été faites pour les chiens. L’ergonomie est la science de l’optimisation d’un poste de travail. Le vélo est une machine où l’on produit des watts… Et, pour être performant, il faut automatiser la gestuelle et la rentabilité de l’effort tangentiel.

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